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Commémoration de Byron

Il y a deux-cents  ans, le 19 avril 1824, jour de Pâques, décédait Lord Byron, poète, dandy, homme de conviction, à Missolonghi, où il était venu pour aider la Grèce à acquérir son indépendance. De santé fragile, il succomba à la malaria. Il n’avait que 36 ans.

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Lord Byron, 1813, par Thomas Phillips

Son père était mort au même âge, ravagé par l’alcool et les excès de tous genres. Homme d’une grande beauté, il avait accumulé les conquêtes féminines. De sa première noce, il avait une fille, Augusta, dont nous reparlerons.

De son second mariage avec une femme disgracieuse et neurasthénique, naquit en janvier 1788 George Gordon Byron, le futur sixième Lord Byron.

Ne parlons plus de ce père, surnommé Mad Jack (Jack le Fou), qui mourut alors que son fils n’avait que trois ans.

Triste enfance

Quelle triste enfance, entre une mère acariâtre et une gouvernante impitoyable ! Il était soumis chaque soir à la lecture des passages les plus terrifiants de la Bible que lui lisait la gouvernante, May Gray. Dans sa biographie sur Byron, André Maurois conclut cet épisode en déclarant : « May Gray était sévère. Mrs Byron était folle. »

Lorsqu’il avait une année, sa mère s’aperçut, oh horreur, que son fils souffrait d’un pied-bot. En tentant de le redresser, elle soumit le malheureux à d’interminables tortures, enserrant la jambe dans des bandages ou dans des moules en bois. Sans résultat évidemment. L’enfant, courageux, ne se plaignit jamais.

A la mort du père, mère et fils s’installèrent en Écosse dont elle était originaire. A dix ans, à la mort d’un grand-oncle, il acquiert le titre de lord et hérite d’un vaste domaine et de l’abbaye de Newstead. Il commence ses études à Nottingham, va à Harrow et finalement à Cambridge. Influencé par un cousin esthète, il entame un régime alimentaire, se fortifie le corps par la natation et l’équitation, et plus tard, la boxe et l’escrime, devenant peu à peu un dandy, fort beau, attiré par les femmes autant que par les hommes.

Premier grand voyage

Avant ses 20 ans, il publie ses premiers poèmes, sans grand succès. A sa majorité, il prête serment à la Chambre des Lords. Peu après, accompagné d’un ami et de trois domestiques, il quitte l’Angleterre pour un voyage de deux années. Partant par le Portugal et l’Espagne, il séjournera à Malte, en Albanie chez un Pacha, puis en Grèce et à Constantinople, visitant les sites archéologiques et bien sûr Athènes. Son périple lui inspire plusieurs poèmes, dont l’un des chants du Pèlerinage de Childe Harold, et des relations sentimentales de tous genres.

Remettant les pieds sur le sol anglais à Douvres, en juillet 1811, il rédige un texte qui sera considéré comme le manifeste du romantisme. 

Quelques jours après son retour, comme si elle l’avait attendu, sa mère meurt à Newstead.

Vie brillante et tumultueuse

Entre 1812 et 1816, Byron mènera une vie brillante dans la société londonienne, tout en composant de nombreuses œuvres poétiques et menant une vie sentimentale agitée.

Le 27 février 1812, il prononce son premier discours à la Chambre des Lords, une violente attaque contre la peine de mort. Dès lors, ayant pris le parti des opprimés, Byron ne peut ambitionner la moindre position politique ou diplomatique dans son pays.

Peu après, la publication des deux premiers chants du Pèlerinage de Childe Harold lui vaut un succès immédiat qui lui fait dire : « Je me réveillai un matin et me trouvai célèbre ».

Dès lors, sa renommée se déploie en Angleterre, mais aussi à l’étranger. Il ne cessera d’écrire et de publier des recueils et des récits poétiques. Son héros Manfred inspirera Schumann. Liszt, dans sa partition Les Cloches de Genève, débute par une citation de Byron : "I live not in myself, but I become portion of that around me", « Je ne vis pas en moi-même, mais deviens une partie de ce qui m’entoure ». Stendhal trouve chez Byron une source constante d’inspiration : « Byron est le nom qu’il faut faire sonner ferme », écrira-t-il.

C’est en juin 1813, qu’il se rapproche de sa demi-sœur, Augusta, qui, entre-temps s’était mariée avec un cousin. Leur liaison incestueuse, affichée publiquement, fait jaser. Il est contraint de s’éloigner et de se réfugier à Newstead.

Début 1814, nouveau succès phénoménal pour un poème, Le Corsaire, dont 10.000 exemplaires sont vendus en une seule journée.     

De retour à Londres, le poète continue à publier, notamment une Ode à Napoléon Bonaparte et Lara, un conte dont le personnage principal apparaît comme autobiographique.

Des bébés

Un événement, en avril 1814, le transporte de joie : la naissance secrète d’un bébé, fille de sa relation avec Augusta, qui portera le nom de Medora.

Quatre mois plus tard, sans doute pour dissimuler ses relations avec sa demi-sœur, il propose le mariage à Annabella Millebanke, dont il avait déjà demandé la main deux ans plus tôt, sans succès. Cette fois-ci la jeune femme accepte. Le mariage a lieu en janvier 1815, avec une lune de miel dans le Yorkshire, transformée, selon le poète, en « lune de mélasse ». Il présentera peu après sa femme à Augusta, puis le couple s’installe dans une somptueuse demeure à Londres. Où viendront les rejoindre Augusta et Medora.

Situation compliquée, forcément, avec des allées et venues de part et d’autre et, fin décembre 1815, Annabella donne naissance à Ada, qu’il appellera dans un poème « My fair child, child of love, though born in bitterness » (« Mon bel enfant, enfant de l’amour, bien que née dans l’amertume »).  Il aurait été fier s'il avait su que, sous le nom d'Ada Lovelace, elle devint une pionnière de la science informatique.

Au lieu de resserrer les liens du couple, l’évènement décide Annabella à se séparer officiellement de Byron, l’accusant de sévices et de sodomie. Il accepte la rupture.

De son côté, Augusta, gênée par la situation de plus en plus anormale de Byron, vient lui faire ses adieux  le jour de Pâques 1816. Ils ne se reverront plus.

Départ pour la Suisse

Abandonné par son épouse, son amante, ses deux petites filles, se retrouvant isolé dans une demeure où tout a été vendu pour éponger ses dettes, Byron quitte définitivement l’Angleterre dix jours plus tard.

Le 26 avril 1816, il s’embarque à Douvres avec un serviteur, son page et un médecin, John William Polidori. La Suisse sera sa première étape. Il s’installe à Cologny, près de Genève, à la Villa Diodati, surplombant le lac Léman.

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La villa Diodati avec vue sur le lac et le Jet d'eau qui n'existait pas encore au temps de Byron

C’est en arrivant à Genève qu’il rencontre Shelley, début d’une grande amitié. Celui-ci est  accompagné de Mary Godwin  qui deviendra sa femme, et de Claire Clairmont, la demi-sœur de Mary Godwin ;  le trio logera dans une villa proche.

Le Léman inspire à Byron quelques beaux vers dans le Chant III de Childe Harold :

Lake Leman woos me with its crystal face,           Le lac Léman me courtise avec son visage de cristal,

The mirror where the stars and mountains view   miroir où les étoiles et les montagnes admirent

The stillness of their aspect in each trace.             le calme de leur image dans chacun de ses                                                                                 reflets.

 

Et, dans le même poème, il contemple les montagnes après l’orage  :

      Such a change                                                       quel changement

But every mountain now hath found a tongue     mais chaque montagne a trouvé maintenant une voix

And Jura answers, through her misty shroud,      et le Jura répond, à travers son voile brumeux,

Back to the joyous Alps, who call to her aloud !   aux Alpes joyeuses qui lui lancent un appel retentissant! 

 

Avec Shelley, Byron visite le château de Chillon qui lui inspire en quelques heures l’un de ses poèmes les plus connus, Le Captif de Chillon. Nostalgique, il écrit aussi des Stances à Augusta

Quant à Claire Clairmont, la maîtresse de Byron, elle tombe enceinte. Ce qui hâte le retour de la famille Shelley en Angleterre où naîtra une troisième fille pour Byron qui lui donnera le prénom d’Allegra. La petite, qui sera amenée par les Shelley à son père lorsqu’il sera en Italie, ne vivra pas longtemps, elle mourra d’une fièvre typhoïde à l’âge de cinq ans.

Il restera aussi des résultats littéraires de ce court séjour genevois. Pour meubler les soirées, ils se racontaient des histoires de fantômes. Alors que Byron poursuivait  la composition de son Childe Harold, et d’autres poèmes, Mary Godwin (future Mary Shelley) se lança dans la création de Frankenstein ou le Prométhée moderne, roman qu’elle publia deux ans plus tard et qui obtint un succès impérissable.   

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Commémoration à Cologny

Profitant de la proximité de Coppet, Byron rendra visite à Mme de Staël, très entourée de nombreux invités, des intellectuels comme Bonstetten et le philosophe Schlegel, des aristocrates comme le duc de Broglie, époux de sa fille. Ceux-ci n’admiraient guère ce lord anglais connu pour sa réputation d’agitateur. Même l’hôtesse l’admonestait et lui reprochait d’avoir voulu « faire la guerre au monde ».

Après le départ des Shelley, des amis anglais les remplacent ; ils feront des excursions dans les Alpes suisses avant de partir pour l’Italie, deuxième étape de son périple européen. Il n’y a pas six mois que Byron  avait quitté l’Angleterre.

En Italie

L’exil en Italie durera plus longtemps, six ans, et sera beaucoup plus animé et productif. Parmi ses nombreuses œuvres poétiques, citons Don Juan, dont on peut reconnaître l’influence autobiographique.

Bénéficiant d’une énorme fortune grâce à ses propriétés et ses droits d’auteur, il passe d’un palais luxueux où il s’entoure d’une véritable ménagerie, à une villa de campagne où il abrite l’une ou l’autre de ses  maîtresses. Il noue des relations avec les carbonari pour soutenir leur lutte contre l’occupant autrichien. Ce qu’il fera ensuite pour la Grèce.

Il préfère Venise à toute autre ville d’Italie : « J’y ai planté mon étendard et j’ai résolu d’y demeurer  pour le restant de mes jours », écrit-il. Les circonstances ne le permettront pas. Outre les visites d’intérêt artistique ou littéraire, il sillonnera la péninsule, de Ravenne à Pise et de Rome à Gênes, pour des raisons politiques ou des passions sentimentales.

La même année 1822, quand meurt sa petite Allegra, il est frappé par un autre immense chagrin : son ami Shelley se noie. Le corps est retrouvé plus d’un mois après sur la plage de Viareggio. Byron et un ami brûlent la dépouille lors d’une cérémonie funéraire impressionnante. L’urne recueillant ses cendres sera inhumée dans le cimetière protestant de Rome au côté du poète John Keats, décédé l’année précédente.

Byron tourne un peu en rond en Italie. C’est alors qu’il reçoit une demande du Comité grec de Londres pour aider les Grecs à se débarrasser de la domination ottomane. Il est prêt pour de nouvelles aventures.

Dernière étape : la Grèce

En juillet 1823, il s’embarque à Gênes en direction de la Grèce. Il passera quelques mois dans un village grec, écrivant, tombant amoureux d’hommes et de femmes, et réunissant une grande partie de sa fortune pour armer une flotte. Le 5 janvier 1824, il abordera enfin à Missolonghi, escorté par des navires grecs, et acclamé par la population.

Son séjour ne durera guère. Usé par une vie active, tumultueuse, d’une santé fragile, il tombe malade. Malgré les soins de ses médecins, dont il était toujours entouré, il expire après une douloureuse agonie, le jour de Pâques 1824.

Quelques jours auparavant, Byron avait écrit : « Si je devais recommencer ma vie, je ne sais ce que j’y voudrais changer, à moins que je décide de ne pas avoir vécu du tout. Toute l’histoire et l’expérience, et le reste, nous apprennent que le bon et le mauvais s’équilibrent assez bien dans cette vie, et que ce qui est le plus désirable est d’en sortir sans trop de peine ».

 

N.B. Pour rédiger ce texte, j’ai eu principalement recours à la biographie de Daniel Salvatore Schiffer, Lord Byron (Folio Biographies, Gallimard, 2015).

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