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De mémoire

En me baladant dans les travées du récent Salon du livre de Genève, mes yeux sont tombés sur un ouvrage qui a retenu mon attention, Cultiver sa mémoire (1). Comme je m’agace souvent quand les rendez-vous, les mots et les visages disparaissent trop vite de mon esprit, j’ai cédé à la tentation et suis passée à la caisse. Histoire de ne pas l’oublier à la sortie.

Le manque de mémoire m’a toujours accompagnée. Depuis l’école, lorsqu’il fallait apprendre des  listes, des poèmes ou des dates de batailles. Le « Notre Père », parce que la prière est courte, est à peu près le seul texte que je sache en entier. Même les délicieuses Fables de La Fontaine ne sont pas gravées dans mon cerveau au-delà de la deuxième ligne.

Je pensais à ce problème au moment où le canton de Genève a dû voter sur l’introduction dans la Constitution du célèbre hymne de l’Escalade.  Qui en connaît les 68 strophes, ou même la première, dont on ignore souvent la signification ? Je vous en offre le texte des quatre strophes les plus chantées.

Cé qu'è lainô, le Maitre dé bataille,

Que se moqué et se ri dé canaille,

A bin fai vi, pè on desande nai,

Qu'il étivé patron dé Genevoi.

1 Celui qui est en haut, le Maître des batailles,

Qui se moque et se rit des canailles

À bien fait voir, par une nuit de samedi,

Qu'il était patron des Genevois.

2

I son vegnu le doze de dessanbro,

Pè onna nai asse naire que d'ancro;

Y étivé l'an mil si san et dou,

Qu'i veniron parla ou pou troi tou.

2

Ils sont venus le douze de décembre,

Par une nuit aussi noire que d'encre;

C'était l'an mil six cent et deux,

Qu'ils vinrent parler un peu trop tôt.

4

Petis et grans, ossis an sevegnance:

Pè on matin d'onna bella demanze,

Et pè on zeur qu'y fassive bin frai,

Sans le bon Di, nos étivon to prai !

4

Petits et grands, ayez en souvenance

Par un matin d'un beau dimanche,

Et par un jour où il faisait bien froid,

Sans le bon Dieu, nous étions tous pris !

68

Dedian sa man il y tin la victoire,

A lui solet en démure la gloire.

A to zamai son Sain Non sai begni !

Amen, amen, ainsi, ainsi soit-y !

68

Dedans sa main il tient la victoire,

À lui seul en demeure la gloire.

À tout jamais son Saint Nom soit béni,

Amen, amen, ainsi, ainsi soit-il !

Le langage a tellement changé qu’on a peine à s’y retrouver. Le franco-provençal ou plus précisément l’arpitan - une formulation réintroduite récemment semble-t-il - a peu à peu dérapé.

Il y a quelques mois, un élu socialiste, scandalisé par le contenu souvent sanguinaire de ce chant patriotique relatant l’attaque savoyarde contre Genève et par l’allusion à Dieu, incompatible avec la laïcité, proposait d’en modifier certains couplets, pour les rendre plus actuels et conformes au credo d’aujourd’hui.

Mal lui en a pris. Aussitôt l’ultra droite a frappé fort. Non seulement elle ne voulait pas qu’on y change la moindre virgule, mais elle lançait l’idée d’en faire un hymne sacralisé par la Constitution cantonale.  On connaît le résultat. Touchez pas à l’Escalade, notre seule fête patriotique, a répondu le peuple genevois.

Passé dépassé ?

Dans le même ordre d’idées, que penser des armoiries de Genève ? Ne se rapportent-elles pas à un passé bien dépassé ? D’un côté, la clé d’un évêque que la Réforme avait pourtant chassé, et de l’autre, l’aigle du Saint Empire romain germanique dont Genève s’était séparé lors du Traité de Westphalie en 1648. Il semble pourtant qu’on ne songe pas à s’en débarrasser.

Trous de mémoire

Mais revenons à la mémoire. Beaucoup de trous surgissent inopinément.  Heureusement, le livre que je mentionnais plus haut m’a rassurée. Je ne suis pas la seule dans ce cas.

Par exemple, lorsque je me lève pour trouver quelque chose, et, arrivée sur place, je ne me rappelle plus ce que j’étais venue chercher. Il faut que je retourne d’où je viens pour que cela me revienne à l’esprit. Il paraît que j’ai tort. Je ne devrais pas revenir sur mes pas, mais insister et fouiller ma mémoire. Le conseil paraît judicieux. Fonctionne-t-il ? Je n’ai pas encore réussi.

Pour moi, le retour en arrière vaut mieux que le retour mental qui consiste à rester à l’endroit à atteindre et réfléchir sur l’objectif désiré. Ma méthode résout le problème plus rapidement.

Serait-ce, linguistiquement parlant, ce que l’on appelle l’esprit de l’escalier ? Cette expression imagée, qui évoque la mémoire, dont le souvenir vous revient en retard, comme par paliers ?

Pourquoi, ces oublis, est-ce parce que l’on a la tête ailleurs ?

Magie du 7

Il paraît que le chiffre 7, mystique et symbolique, a un effet magique sur la mémoire. Normalement on peut se rappeler une liste de 7 mots, chiffres ou lettres dans l’ordre donné. Au-delà, on peut aller jusqu’à 8 si on les groupe par deux, mais guère plus loin, paraît-il.

Ce chiffre sept est connu pour ses propriétés spirituelles dans plusieurs religions. Pour les juifs et les chrétiens : Dieu a créé le monde en sept jours.

Pour les autres, le 7 représente surtout les jours de la semaine et la manière dont on peut se rappeler ses engagements en consultant son agenda, divisé en pages hebdomadaires.

Moyens mnémotechniques

Pour ma part, un bon moyen de me rappeler la liste de courses que je veux faire au marché ou au supermarché est mnémotechnique. Alphabétiquement, les artichauts avant les haricots et les pommes avant les raisins. Selon la mémoire spatiale, il faut commencer avec les produits placés au plus loin pour finir au plus près.

La chronologie est aussi un bon moyen. Pour énumérer les cantons suisses, débutons avec les cantons primitifs, comme on dit, et finissons par les bons derniers, ceux de 1815, Neuchâtel, Genève et Valais. Ah non, j’oubliais le tout dernier, le Jura, en 1979. Cette liste, plutôt que la liste alphabétique, a l’avantage de nous remémorer l’Histoire de la Confédération.

Changement d'horaire

Pour terminer, je ne sais s’il y a un moyen particulier de se rappeler que dans la nuit du 31 mars à 2h., l’horaire subira son changement printanier : il sera une heure de plus.

Jusqu’à quand ? Depuis le temps qu’on parle de supprimer cette modification régulière qui chagrine tant les vaches, rien ne bouge.

Cette année, coïncidence rare, le changement d’horaire survient à l’entrée de la journée de Pâques, la plus significative dans l’histoire de la chrétienté.

 

(1) Cultiver sa mémoire, de 9 à 99 ans, par Colette Bizouard (Ed. Chronique sociale, Lyon, 2005).

 

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