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Fantasmes au MIR

L’imagination a pris le pouvoir au Musée international de la Réforme à Genève. Voir l’invisible, l’art brut et l’Au-delà, l’exposition qui occupe ses murs jusqu’au 1er juin 2025, nous entraîne dans un tour du monde de fantasmes sidérants.

Six femmes et huit hommes, n’ayant eu aucune formation artistique, ni aucun désir d’être connus, sont réunis sous l’égide de Lucienne Peiry qui les a dénichés dans des collections en Suisse et à l'étranger et au Musée de l’art brut à Lausanne.

La plupart de ces créateurs ont vécu une grande partie de leur existence dans des institutions psychiatriques. Au cours du 20e et du 21 siècle, de Chine aux États-Unis, en passant par l’Afrique et l’Europe, leurs œuvres offrent des similitudes, habitées par des esprits, hantées par des angoisses, agitées par une frénésie insurmontable. Ils travaillent souvent pendant la nuit, en cachette. Artistes malgré eux, ils  accumulent les papiers, les cartons, les tissus, les crayons pour assouvir leur fringale expressive.

Pour les apprécier à leur juste valeur, il vaut la peine de lire les panneaux explicatifs affichés à proximité.

Certaines pièces attirent immédiatement l’attention. On en admire l’exécution, telle cette robe cousue et brodée, mélange de nombreux bouts de tissu aux couleurs diverses, que la Française Jeanne Laporte-Fromage (1893-1956) conçut dans son hôpital psychiatrique lorsqu’elle apprit la mort de son mari. Le vêtement devait la préparer pour rejoindre le défunt.

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Robe commencée en 1938 - achevée en 1948

(Musée d'art moderne contemporain et d'art brut, Villeneuve d'Ascq)

 

L’admirable sarcophage en forme de coq géant du menuisier ghanéen Ataa Oko (1919-2012) n’est que le début d’un projet. Une ethnologue suisse, Regula Tschumi, ayant découvert le talent de l’auteur de nombreux cercueils, lui demanda de les reproduire par le dessin. Ainsi, durant ses dix dernières années, il réalisa plus de 3000 dessins, habité par des rêves et des esprits qui le réveillent.

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Cercueil rouge en forme de coq, 2009 (Collection privée)

 

Ce sont les esprits de ses ancêtres qui inspirent la Balinaise Ni Tanjung (vers 1930-2020). Dans sa jeunesse, elle reproduit leurs visages sur des pierres afin de construire un autel devant lequel elle danse et chante. Plus tard, paralysée, recluse dans une chambre sans fenêtre, elle peint des personnages sur des feuilles de papier qu’elle assemble sur des tiges ou des guirlandes. Une foule l’entoure, elle se sent moins seule.

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Sans titre, entre 2009 et  2012  (Collection Nicolas Crispini, Genève

 

L'imaginaire de Henry Dunant

Quelles images surprenantes que les tableaux du Genevois Henry Dunant (1828-1910) !

Le créateur de la Croix-Rouge internationale a subi une période de dépression vers la cinquantaine ; il va se réfugier à Heiden, un village alémanique, échappant aux accusations que lui valaient des faillites et certaines de ses activités.

Entre 1877 et 1890, dans sa pension appenzelloise, Dunant est envahi par un mysticisme actif, il se met à composer des histoires, à l’encre, à la craie, au crayon, que l’on retrouva après sa mort, dans une armoire. Deux d’entre ces panneaux ont été prêtés par le Musée international de la Croix Rouge (qui en possède quatre) : Diagramme symbolique chronologique de quelques Prophéties des Saintes-Ecritures par un chrétien suisse et Noé.

Mélange stupéfiant de textes, de personnages, de croix, de cercles, d’animaux, de couleurs. Il faudrait les inspecter pendant des heures pour en saisir la substantifique moelle, sinon les comprendre. « Grande incertitude au sujet des chronologies, écrit-il, ajoutant C’est environ 32 siècles avant la venue du Christ que prit fin l’antique hiérarchie sociale.

 

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Diagramme de Noé, entre 1877 et 1890

Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-rouge

Terre nouvelle, ciel nouveau, mission glorieuse de miséricorde et d’amour, peut-on lire au bas du diagramme de Noé. Dunant, qui annonce la fin du monde et l’Apocalypse, a été sérieusement influencé par le mouvement du Réveil qui se répandait à la fin du 19e siècle dans les milieux protestants.

 

On peut se demander si, dans les cliniques psychiatriques du monde entier, sur des murs et dans des ordinateurs, on pourrait découvrir aujourd’hui des images aussi sensationnelles.

 

NB. Voir l'invisible, est visible au Musée international de la Réforme, cour Saint-Pierre, Genève, jusqu'au 1er juin 2025, du mardi au dimanche, de 10 h. à 17 h.

Commentaires

  • Excellent
    Donne envie de se précipiter au MIR

  • Merci de votre intérêt et heureuse d'avoir pu, avec cette exposition, attirer votre attention sur ces œuvres des plus singulières. Comme vous, le public fait grand cas de ces productions de l'ombre, réalisées en étroite relation avec l'invisible, des défunts, des esprits ou le cosmos, comme l'affirment les auteur.es.

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