Le printemps a repris ses droits. Les arbres retrouvent leur feuillage et les prés leur herbe. « Que la terre produise de la verdure », peut-on lire dans la Genèse, au troisième jour de la Création. Mettons-nous donc au vert.

La couleur verte a inspiré des sentiments très divers au cours des siècles. Tantôt d’espoir, tantôt de crainte, tantôt de superstition.

Aujourd’hui, le vert symbolise un groupe politique qui n’a pas brillé aux dernières élections. Il doit être vert de rage et en entendre des vertes et des pas mûres. Nous n’allons pas l’accabler ni lui envoyer une volée de bois vert.

Nous ne nous en prendrons pas non plus au vert de l’Islam, qui était la couleur du Prophète et de ses descendants, toujours vénérée des musulmans ; elle décore ses mosquées et le drapeau de l’Arabie saoudite.

Dans Vert, histoire d’une couleur (Seuil, 2013), l’historien Michel Pastoureau (il avoue que le vert est sa couleur préférée) en raconte les péripéties. Chez les Romains, le vert repose la vue ; plus tard, la croix verte deviendra d’ailleurs l’emblème de la pharmacopée et de la médecine.

Au Moyen Âge, il est équilibré, au milieu de la gamme chromatique. Mais il représente aussi les démons, car c’est la couleur favorite du Diable. Ainsi que du destin. Pas étonnant que les tables de jeu soient recouvertes du tapis vert, depuis le 16^e siècle. La langue verte est d’ailleurs le jargon des joueurs.

Tandis que l’Église romaine s’habille de vêtements colorés, les réformés en rejettent la frivolité.

A l’époque romantique, le vert reprend l’avantage et de la dignité. L’habit vert n’est-il pas l’habit des membres de l’Académie française ?

Beaucoup de sports se jouent sur une surface verte ; le tennis, par exemple, débuta ainsi en Angleterre, sur des pelouses bien tondues.

Le vert est en quelque sorte synonyme de la nature. Ceux qui la traitent bien ont les doigts verts. Il représente également la jeunesse : une jeune fille immature est un fruit vert. Et un vieillard encore vert en a gardé quelques aspects. Le vert galant, surnom du roi Henri IV, est un homme audacieux et entreprenant.

De nos jours, le vert est censé signifier le but ultime de notre civilisation. Il paraît que selon certains critères, la ville de Vancouver est la plus verte du monde ; elle porte bien son nom.

Lorsqu’on évoque en riant les espaces au-delà de notre globe, on les imagine habités de petits hommes verts. Se seraient-ils échappés du rayon vert, cet éclair que l’on peut entrevoir, si on a de la chance, au coucher ou au lever du soleil, au-dessus de l’astre ? Phénomène qui a inspiré Jules Verne dans un roman portant ce titre, ainsi que le cinéaste Eric Rohmer.

Tout cela nous emmène facilement au diable vert, là où les raisins sont trop verts.