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Les leçons de la Seconde Guerre mondiale

Peut-on tirer les leçons du passé ? Doit-on tirer les leçons du passé ? La lecture de l’Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale d’Olivier Wieviorka (Perrin, Ministère des Armées, 2023) nous enjoint à poser la question.

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L’auteur propose des rapprochements qui font frémir. Dans son introduction, comme dans sa conclusion, le nom de Poutine apparaît. Faut-il y voir un avertissement ?

« La guerre déclenchée contre l’Ukraine par Vladimir Poutine en 2022 se drape des oripeaux de la dénazification, en invoquant les mânes de la  « Grande Guerre patriotique » menée entre 1941 et 1945 par le peuple soviétique », écrit Wieviorka en page 16.

Et dans la dernière page de sa magistrale analyse du conflit mondial, il revient aux prémices : « Les grandes leçons de l’entre-deux guerres eurent beau être rebattues et débattues, elles n’ont jamais porté le fruit amer de l’expérience. Bien des auteurs blâment Edouard Daladier et Neville Chamberlain pour la lâche capitulation de Munich.  Mais nos dirigeants contemporains ont-ils été plus lucides lorsque Vladimir Poutine a, dans une indifférence générale, annexé la Crimée en 2014 avant d’agresser, huit années plus tard, l’Ukraine ? »  

En conclusion, Olivier Wieviorka cite « le constat que Primo Levi, dans Si c’est un homme, dressait de la haine nazie : "Si la comprendre est impossible, la connaître est nécessaire" ».

Le sublime et l’abject

Pour en arriver là, l’historien brosse une fresque monumentale, abordant tous les territoires touchés par la guerre, d’une manière ou d’une autre. Il en montre tous les aspects : « Dans le monde entier, elle libéra les forces maléfiques qui tuèrent, violèrent ou pillèrent ; dans le même temps, cependant, elle éleva l’humanité aux cimes, en offrant des exemples spectaculaires d’héroïsme, d’altérité et de sacrifice. Le sublime côtoya constamment l’abject ».

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Olivier Wieviorka (photo Bruno Klein)

Dans le grand entretien qu’il a accordé au Monde des livres du 25 août, il explique sa vision d’ensemble : il veut « analyser la manière dont les sphères sont interconnectées : la sphère économique et la sphère militaire ou les aspects culturels, politiques et stratégiques. D’autre part, la rationalité des acteurs ».

Quoiqu’il souligne, pour la victoire finale, l’importance de la supériorité numérique, industrielle et démographique, il ne néglige pas le rôle des dirigeants.

Pearl Harbor, un déclencheur

L’un des chapitres les plus palpitants  de l’ouvrage est celui qu’il consacre à l’Extrême-Orient. La préparation et les conséquences des attaques contre Pearl Harbor, dans les îles Hawaï, lorsque les Japonais agressent directement les États-Unis, se lisent comme un roman. Ce fut la goutte qui fit déborder le vase et qui déclencha véritablement la guerre mondiale, forçant Washington à intervenir directement dans le conflit. Ce 7 décembre 1941 annonce un tournant. Aussitôt Churchill s’enthousiasme : « Nous avons donc vaincu, enfin ! » et de même, le général de Gaulle constate : « Maintenant, la guerre est définitivement gagnée ». Ils avaient vu juste, mais on n’en est pas encore là !

Les pays neutres

Wieviorka jette aussi un œil du côté des pays neutres. Que dit-il de la Suisse ? « La réalité historique dément l’image du "petit Etat neutre" « auquel sa volonté de résistance  et une politique habile avaient évité d’être entraîné dans les hostilités », déclare-t-il, citant le fameux rapport Bergier de 2002 sur La Suisse, le national-socialisme et la Seconde Guerre mondiale.

 « Un égoïsme sacré dictait sa loi sur le plan économique », expliquant ses fournitures en armes et les relations privilégiées avec ses voisins allemands et italiens, même si elle tenta de maintenir ses relations économiques avec Londres. « Le pays de la Croix-Rouge marchanda son hospitalité. » L’auteur rappelle la remarque du conseiller fédéral von Steiger selon laquelle la barque était pleine, mais il ajoute : « Dans les faits, cependant, la Confédération se montra plus ouverte et accueillit des milliers de proscrits ».

Finalement, « tous les États neutres, la Suisse, la Suède, l’Espagne, le Portugal comme la Turquie… (…) sortirent renforcés de la grande épreuve », affirme l’historien, qui reconnaît cependant : « Contrairement à la légende noire, la Suisse n’eut pas la palme de la rigueur, car les Etats-Unis se montrèrent tout aussi malthusiens ».

Signes avant-coureurs

On ne peut s’empêcher de lire cette Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale avec un frisson dans le dos quand on découvre tant de signes avant-coureurs du désastre qui auraient dû servir à l’enrayer.

Après la Première Guerre, on avait parlé de la Der des ders. Après la Seconde, on avait dit plus jamais ça. Espérons qu’il ne faudra pas changer l’appellation de la Seconde Guerre en Deuxième Guerre puisque le mot « second » ne s’applique que s’il n’y a pas de suite. Or, ces jours, sur tous les continents, tant de menaces grondent à l’horizon.

NB : Histoire totale de la Seconde Guerre Mondiale d'Olivier Wieviorka compte 1068 pages, dont 896 pages de texte, 140 pages de notes et sources bibliographiques, ainsi que 54 cartes géographiques.

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