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Voyage au Chambon-sur-Lignon

Grâce au Musée international de la Réforme (MIR), un groupe de ses Amis s’est rendu au Chambon-sur-Lignon, un haut-lieu du protestantisme et du secours aux juifs pendant la 2e guerre mondiale.

Situé aux alentours de 1000 mètres d’altitude, il a aussi accueilli des intellectuels en quête de repos et de bon air.

Pendant un voyage de quatre jours, nous avons découvert cette petite ville nichée en Haute-Loire, dans une région aux paysages splendides, surnommée Le Plateau, devenue un centre touristique attrayant.

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Sillonnant des chemins tortueux, il nous a fallu cependant renoncer à escalader le Mont du Lisieux, d’où l’on aurait vu un panorama inoubliable. Notre car n’a pas réussi à nous y conduire, des branches d’arbres alourdies par la pluie nous ayant barré la route. En revanche nous avons pu admirer en passant un magnifique parcours de golf.

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Tel n’était pas notre but. Les souvenirs de la période 1939-1945 sont évidemment les plus marquants. Il a fallu cependant plusieurs dizaines d’années pour que le caractère unique de la résistance du Chambon soit reconnu. C’est en 1990 que l’Institut Yad Vashem a rendu hommage aux habitants du Chambon-sur-Lignon et des communes voisines en leur attribuant le diplôme d’honneur de Justes parmi les Nations à titre collectif, ce qui en Europe est presque unique. Seul le village de Nieuwlande  (Drenthe) aux Pays-Bas a reçu le même honneur.

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Avec l’aide de la sociologue Nathalie Heinich, nous avons parcouru les nombreux hameaux qui ont abrité des écrivains et penseurs entre les années 1925 et 1950. (1)

Certaines bâtisses typiques de la région ont une belle allure, comme celle qu’habita pendant de nombreuses années le poète-philosophe protestant Francis Ponge à La Suchère.

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Albert Camus

C’est sans doute là qu’il reçut les visites d’Albert Camus lorsque celui-ci séjourna dans une pension de famille au Panelier, entre août 1942 et novembre  1943, qu’il décrivit ainsi  à Ponge : « Une pension de famille c’est déjà emmerdant. Mais une pension de famille protestante, ça vous fait gagner le paradis sans le savoir (…) Ne croyez-vous pas que l’esprit a besoin de sa part de beauté et de liberté heureuse». Il ajoute : « Que faire ? Je suppose que la réponse est : donner sa forme au malheur, le nommer. Cela nous ramène à La Peste ».

Camus venait d’Oran où il avait contracté un début de tuberculose que le climat chambonnais devait soigner sinon guérir. Outre les promenades, la pêche à la ligne dans un ruisseau appelé la Ligne, les rencontres avec des amis et des Résistants, il eut le temps d’écrire bien des lignes. C’est donc là qu’il entama La Peste et Le Malentendu, des titres qui laissaient percer le sentiment pénible qu’il éprouvait, loin  de « la lumière et de la chaleur » de son Algérie natale, ainsi qu’il l’écrivit à sa femme. 

Jules Isaac

C’est pour une tout autre raison que le célèbre auteur des manuels d’histoire Jules Isaac se réfugia au Chambon et alentour : il était juif. Il trouva « parmi les pasteurs et les paroissiens des interlocuteurs valables et commença à s’intéresser en historien aux textes du Nouveau Testament dans lesquels il ne tarda pas à déceler les traces d’un antisémitisme séculaire », raconta son fils Daniel Isaac. Jules Isaac « tendait à restituer leur sens premier aux Évangiles par-delà les interprétations et les rédactions plus ou moins tendancieuses ; c’est en 1943 qu’il commença  Jésus et Israël ».

Le manuscrit devint un livre publié en 1948, avec cette dédicace : « A ma femme à ma fille martyres / Tuées par les Allemands / Simplement parce qu’elles s’appelaient / Isaac ».

Elles avaient été arrêtées et déportées à Auschwitz dont elles ne revinrent pas.

Lorsque Jules Isaac rédigeait son texte, il rencontra le pasteur André Trocmé dont les convictions inébranlables contre la violence allaient dans le même sens. Lors d’une cérémonie après la mort d’Isaac, Trocmé rappela cette rencontre durant laquelle l’historien lui présenta son manuscrit : « « Il m’adjura de disculper avec lui les Juifs du crime de déicide dont  on les accuse depuis dix-neuf siècles. Certes, je n‘avais pas besoin d’être convaincu. (…) Une bonne partie de la Haute-Loire, la région des huguenots, était, dès cette époque, dressée contre la police de Vichy pour sauver de la déportation les centaines de Juifs réfugiés dans nos montagnes. »

Plusieurs années plus tard, Isaac consacra encore deux ouvrages à ce thème : Genèse de l’antisémitisme et L’Antisémitisme a-t-il des racines chrétiennes ?. Questions qu’on ne peut s’empêcher de poser lorsqu’on chemine dans cette région du Plateau si marquée par la Résistance.

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Le Lignon au Chambon

(1)Tel avait été le sujet d’une exposition au Lieu de mémoire du Chambon que Nathalie Heinich avait organisée en 2018. Un livre superbe en a gardé le souvenir : Écrivains et penseurs autour du Chambon-sur-Lignon (1925-1950) Aron, Camus, Canguilhem, Chouraqui, Comte, Gide, Gordin, Grothendieck, Isaac, Levitte, Pagnol, Poliakov, Ponge, Ricoeur, Simondon, Vajda, Vidal-Naquet   (Les Impressions nouvelles, 2028). J’y ai puisé plusieurs citations. 

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P.S. Ce voyage a été parfaitement préparé et organisé par le président des Amis du MIR, Jean-Luc Beckert, et le vice-président, le pasteur Rudolf Renfer.

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MM. Beckert et Renfer avec une diaconesse de Reuilly,

membre de la communauté qui nous a aimablement invités

Dimanche, nous avons assisté au culte au temple du Chambon, où le pasteur Renfer prononça la prédication.

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