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Mise en jeu

D’entrée de jeu, on peut souligner les paradoxes que la notion de jeu évoque en ce moment. Alors que le monde est entraîné dans le tourbillon des Jeux Olympiques, le Musée international de la Réforme à Genève nous propose de « Jouer avec les dieux ».

Manifestement, il ne s’agit pas des mêmes sortes de jeux.

Si l’on se réfère à la définition du mot, chez Larousse, un jeu est une activité non imposée, à laquelle on s’adonne pour se divertir, en tirer un plaisir. Le Petit Robert précise que c’est une activité purement gratuite.

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Lorsqu’on se rend, en spectateur, à l’un des nombreux lieux où se déroulent les manifestations  des J.O., ou si on les suit à la télévision, on ne joue pas. On regarde. On a peut-être du plaisir, du moins je l’espère.

Les sportifs ne jouent pas non plus. Ils ont trimé pendant des années pour tenter d’arriver au sommet. En réalité, ils participent à des concours. D’ailleurs à Olympie, la fête ne portait pas le nom de jeu, on parlait de « concours d’Olympie ». Et l’on pouvait faire face à un adversaire, ou participer à une course, jusqu’à la mort.

Le mot « sport », qui vient du français médiéval  desport, signifie « jeu ». D’où son caractère éminemment ludique (du latin ludus, jeu). Aujourd’hui, le sport tel qu’il est pratiqué professionnellement et internationalement a changé d’aspect. Il n’est resté un jeu qu’au niveau amateur.

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Un superbe catalogue approfondit le thème de l’exposition fort originale du MIR, Jouer avec les dieux. L’avant-propos du Directeur du MIR, Gabriel de Montmollin, débute ainsi : « La religion est un jeu. » J’avoue que la phrase m’avait étonnée, voire un peu choquée. C’était ne pas tenir compte du sous-titre, « la religion d’avant les religions ».

Qu’est-ce donc que le jeu ?

L’exposition du MIR nous en offre de nombreuses propositions  « loin des soucis du monde ». Des rites, des rires, des superstitions, pour arriver au Jeu des familles édité par la Société des Missions  évangéliques de Paris au début du 20e siècle. 

Thèses sur le jeu

Le commissaire de l’exposition est un spécialiste de l’histoire des religions, Philippe Borgeaud. Il a contribué largement au catalogue qui bénéficie aussi de plusieurs textes inédits, dont l’épilogue, confié à l’historien Pierre Vesperini, élabore « Douze thèses sur le jeu ». Ce qui nous ramène à notre sujet. Il a tiré son épingle du jeu.

Selon Pierre Vesperini, le jeu est une nécessité pour l’individu, « le jeu semble faire signe  vers une irrépressible vocation à la liberté et au bonheur ».

On prétend que le jeu a des règles. Mais c’est faire fausse route. La langue anglaise, elle, apporte une distinction entre play – simple jeu  – et game, qui se joue avec des règles.

Le jeu peut parfois se transformer en défaut. Ne dit-on pas qu’une machine a du jeu lorsque ses pièces ne s’ajustent pas ?

Attraction et addiction

Le jeu attire les gens. Le Musée suisse du jeu à la Tour de Peilz, qui promet de retracer 5000 ans d’histoire ludique depuis les premières traces archéologiques des jeux de règles jusqu’aux jeux vidéo, fait le plein. Il a accueilli cette année deux fois plus de visiteurs que l’an dernier.

Les plaisirs que procure le jeu sont de genres différents. On peut viser la beauté, l’invention, voire la recherche. Ainsi que l’a écrit le sociologue Pierre Bourdieu, dans Choses dites : « Le principe véritable, au moins au niveau de l’expérience, de mon engagement à corps perdu, un peu fou, dans la science, c’est le plaisir de jouer et de jouer un des jeux les plus extraordinaires que l’on puisse jouer, celui de la recherche ».

 « L’Antiquité païenne a été une culture du jeu, avec un sens presque désespéré des plaisirs de la vie », affirme Pierre Vesperini. Le christianisme a aboli l’amour du jeu, ajoute-t-il : « Le bonheur nous attend dans l’autre monde, pourvu que nous ayons suffisamment souffert ici-bas. A partir de là, tout plaisir est au mieux suspect, au pire péché. »

Ensuite, l’arrivée du capitalisme, où le temps est compté, où le fonctionnel et l'utilitaire règnent en maîtres, rogne les possibilités de loisir. On le constate dans les cultures colonisées, où le travail exigé par le pouvoir dominant, empêche trop souvent les indigènes de s’adonner à leurs traditions festives.

Jeux de mots et de hasard

Que penser des jeux de mots ? N’y trouve-t-on pas le vrai plaisir du jeu ? Cependant, attention, si on en abuse, ils risquent de devenir exaspérants.

Que dire des jeux de hasard au cœur des casinos ? Peut-on qualifier de jeu les activités des personnes réunies autour d’une table verte qui concentrent leur regard sur les dés secoués par le croupier ? Rien de gratuit dans ce plaisir, devenu souvent addictif.  S’il ne dégénère pas en jeux de mains, jeux de vilains. Car bien sûr, la violence est l’ennemi suprême du jeu.

 

P.S. Les Jeux olympiques de Paris 2024 durent jusqu'au 11 août, suivis par les Jeux paralympiques du 28 août au 8 septembre.

Jouer avec les dieux, l'exposition du Musée international de la Réforme à Genève, est programmée jusqu'au 13 octobre 2024.

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