Petites phrases
Après plusieurs mois d’absence, dus à des problèmes de santé, Philippe Delerm a repris sa délicieuse chronique dans Lire magazine intitulée Le sens de la formule.
Philippe Delerm en 2014 (Photo Hermance Triay)
Il trouve toujours la bonne formule, il a le goût des mots. Il ne s’en cache pas ; l’un de ses nombreux ouvrages s’appelle J’aime les mots (Points, Le goût des mots, 2013).
C’est au football qu’il consacre son billet de retour. Il met en évidence divers commentateurs sportifs, en particulier un journaliste de L’Equipe qui utilise parfois le mot « délicieux » pour décrire certains gestes de footballeurs, « afin de prouver que le foot peut être tout le contraire d’un monde de brutes ». L’une de ses dernières publications rappelle son intérêt pour le foot, Le Foot est une enfance (Ed. Seuil, 2024). Mais il a aussi suivi régulièrement dans la presse les exploits de l’athlétisme.
Bienveillance
Delerm porte un regard bienveillant autour de lui. N’a-t-il pas écrit trois ouvrages pour la jeunesse portant le titre de C’est bien (Ed. Milan, 1995), C’est toujours bien (Ed. Milan, 1997) et C’est trop bien (Ed. Milan, 2017) ?
Son premier livre indique son état d’esprit et annonce ce qui va suivre : Le Bonheur, tableaux et bavardages (Ed. Le Rocher, 1986). Il appartient à cette tendance littéraire qu’on peut qualifier de minimaliste et ne se prend pas au sérieux. Il précisera d’ailleurs dans un entretien avec Les Dernières nouvelles d’Alsace : « Je ne suis pas un marchand de bonheur ».
Avant de se consacrer à l’écriture, il était enseignant, mais reconnaissait qu'il n'avait pas le virus de la pédagogie.
Il lui a fallu dix ans pour se faire connaître. Son premier succès, La Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules date de 1997 (Ed. Gallimard, « L’arpenteur »).
Il va fêter ses 74 ans le 27 novembre, père d’un fils brillant, l'auteur-compositeur-interprète Vincent Delerm, et peut contempler paisiblement tous ses « plaisirs minuscules » qui ont été suivis par bien « d’autres nourritures délectables », « d’autres voluptés sportives », « d’autres gestes qui nous disent », des « dessous affriolants des petites phrases », et « d’autres petites phrases qui en disent long ».
Tout cela se retrouve dans son dernier opus, Les gens sont comme ça. Et autres petites phrases métaphysiques » (Ed. Seuil, 2024). En deux ou trois pages, Philippe Delerm imagine une situation, un état d’esprit, que la petite phrase lui inspire.
Ainsi pour celle du titre du livre : « Nous commençons tous des phrases par « Les gens… », et c’est pourtant si orgueilleux, si discutable de s’exclure ainsi. (…) Faut-il s’en accommoder ? A moins d’entrer dans un couvent, la réponse est oui ». Et l’auteur de conclure : « Les gens c’est vous, c’est moi, c’est eux, et tous les autres aussi ».
Ses problèmes de santé expliquent sans doute son premier chapitre, « On est entré dans le temps additionnel ». Empruntée au langage du football, cette formule annonce « une folle espérance supplémentaire », qu’elle représente pour l’équipe, mais aussi à l’individu. Dans nos vies, « le tout est de sentir quand notre temps additionnel commence. A-t-on le choix de savoir, ou pas ? Vous êtes votre seul arbitre. »
Comment choisir ?
Comment choisir dans ces 35 petites phrases celles qui sonnent le mieux ? « Je ne souhaite ça à personne », « C’est ni fait ni à faire », « ça m’a fait hurler de rire », « T’inquiète ! », « C’est que du bonheur », « Nous ne sommes qu’un maillon de la chaîne », « Mais quand même ».
Pour « Les mots sont impuissants », il appelle Rousseau et Chateaubriand, Rimbaud et Proust à la rescousse. Et achève ainsi : « Parfois les mots ne sont pas là. Mais ils peuvent venir, et c’est très consolant. L’indicible n’existe pas. »