En ce début d’année, Paris propose des expositions passionnantes. La plus attirante et stupéfiante est Figures du fou, du Moyen Age aux Romantiques, présentant environ 300 œuvres, tableaux, sculptures, dessins, aquarelles et gravures.

Signalons aussi Ribera, au Petit Palais et Chefs-d’œuvre de la Galerie Borghèse au Musée Jacquemart André. Une prochaine chronique leur sera consacrée. La réservation de billets est fortement recommandée.

Portrait de fou regardant entre ses doigts, vers 1548, par le Maître de 1537 (Fondation Foeobus, Anvers)

« C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous », écrivait Érasme dans son Éloge de la folie (1511), citation qui pourrait convenir pour cette toile où le fou se cache derrière ses doigts. Ajoutons cette phrase de Sébastien Brant dans sa Nef des fous (1494) : « Miroir de la folie : chacun s’y reconnaît en voyant son portrait ». C’est donc avec sympathie que l’on regarde ces images des 15^e et 16^e siècles. C’est d’ailleurs à cette époque que le fou s’introduit dans le jeu d’échecs.

Le siècle des Lumières ne s’y est guère attardé, et si Goya et le Suisse Füssli, avec sa Lady Macbeth, ont fait un passage dans le monde des fous, le sujet n’a plus la cote. Les romantiques, peu fréquemment, ne s’y sont intéressés que par l’intermédiaire des œuvres littéraires du passé, puis de l'introduction de la psychiatrie.

Toutes sortes de fou

L'exposition est fondée sur une importante documentation et de solides recherches. Il faudrait des heures pour en absorber le contenu et contempler toutes les illustrations.

Les fous, voire les sots, sont nombreux au Moyen Age et à la Renaissance, et de différentes sortes. Il y avait certes des malades mentaux qu’on tentait de soigner par des pèlerinages, mais ce ne sont pas ceux-là qui ont inspiré les artistes.

On connaît les fous de cour, des simples d’esprit ou des infirmes, que l’on cherchait dans les campagnes et que l’on adoptait à la cour. Ils portaient des surnoms, tel Triboulet, identité de trois personnages, le fou de René d’Anjou, de Louis XII et celui de François 1^er sous le nom de Rigoletto, mis en scène par Verdi. Coquinet était le sot du duc de Bourgogne.

Inspirés par une parabole de la Bible, des sculpteurs ont représenté les Vierges folles.

Statue de Vierge folle, par Erhard Küng, 3e quart du XVe siècle (Musée d'Histoire, Berne)

On trouve des bouffons dans les carnavals, les Mardi Gras, accompagnant les prêtres  dans les célébrations. A la fin du 15^e siècle, ils jouent un rôle souvent satirique.

Chez Jérôme Bosch (vers 1450-1516) et surtout chez Pieter Brueghel l’Ancien (vers 1525-1569), on se méfie des bateleurs. Ces personnages hors norme suscitent la peur, la colère ou le mépris.

Concert dans un œuf, d'après Jérôme Bosch, milieu du 16e siècle (Palais des Beaux-arts. Lille)

Que dire des fous d’amour ? S’ils se perpétuent, ils se laissent ridiculiser. On voit parfois un fou s’immiscer entre deux amants. L’amour du philosophe Aristote pour le jeune et belle Phyllis a été moqué à de nombreuses reprises au Moyen Age.

Les attributs du fou sont multiples. Des capuchons à oreilles d’âne expriment la bêtise, ou ceux à crête de coq représentent la domination masculine. La marotte, imitation d’un sceptre, offre une sculpture au visage grimaçant. Les lunettes donnent l’apparence d’un faux savant et la présence de la chouette est censée incarner le désordre.

Le fou serait-il une image de la mort ? Une extraordinaire série avec un squelette surpris dans d’étonnantes situations le laisse deviner.

 Danse macabre de Bâle, copie par J.R. Feyerabend, 1806 (Musée historique, Bâle)

N.B. L’exposition Figures du fou, du Moyen Age aux Romantiques, au Louvre, jusqu’au 3 février, tous les jours sauf le mardi. Il est fortement recommandé de réserver ses billets.